Le deuxième commencement (André Schneider, 2012) : se revoir
Un article de Gaspard Granaud, POP AND FILMS, 29 septembre 2014.
André (André Scheneider) et Laurent (Laurent Delpit) se sont aimés pendant 10 ans à Paris malgré leurs différences. André est allemand (il avait quitté Berlin pour vivre avec son compagnon) et metteur en scène de théâtre. Il aime se confronter, lire en l’autre comme dans un livre ouvert, être rassuré. Laurent, un poil plus âgé, est parisien et photographe. S’il pensait s’être livré comme jamais lors de sa longue relation, aux yeux d’André il est resté un mystère, charmant mais à terme toxique. Ils se sont aimés mais ils ont fini par se faire du mal. Ils se sont séparés. Trois ans après cette rupture difficile, André est retourné en Allemagne et est reparti de zéro : il a essayé de se faire de nouveaux amis, s’est consacré à son travail et savoure le goût d’une relation légère qu’il s’autorise enfin à vivre. Mais après ces années de silence, un jour, Laurent appelle son ex pour l’avertir qu’il vient à Berlin pour le voir. André l’accueille chez lui le temps d’un week end et c’est l’occasion pour eux d’échanger en toute sincérité… et de voir si ce qui les unissait est toujours là, de se demander si un deuxième commencement est possible…
Scénariste des amusantes comédies berlinoises Nos jours légers et Men to kiss (mais aussi du prochain film attendu de Antony Hickling, One Deep Breath), André Schneider passe à la réalisation avec le moyen-métrage Le deuxième commencement. On devine un récit très personnel, mis en avant par un texte à fleur de peau. Au départ, le spectateur peut être sur ses gardes : l’interprétation est sur le fil, il y a des maladresses, les dialogues sont beaux mais un peu encombrants. A la fois certains passages ne sonnent pas tout à fait juste et en même temps on se surprend à être touché car ce qui est dit est très intime et finalement très vrai. Et même s’ils ne sont pas toujours hyper à l’aise, les deux comédiens (André Schneider et Laurent Delpit) donnent l’impression de se mettre totalement à nu.
La première grande force de ce projet réalisé avec quelques bouts de ficelle, c’est sa faculté à jouer sur la frontière réalité-fiction. Pas de doute, c’est bien de la fiction. Mais en même temps (de par des passages d’interviews face caméra bien gérés, sublimant les visages) André Schneider parvient à donner l’impression que ces deux garçons sont bien réels. Au fil des minutes, on s’attache énormément à eux, on les écoute comme deux amis, on comprend leurs désaccords tout en ayant envie qu’ils se donnent une seconde chance. On peut aussi facilement tomber amoureux du charmant Laurent Delpit dont le visage, la petite barbe et le joli torse poilu sont sublimés. C’est un film avec lequel on finit curieusement par ne plus faire qu’un, revivant ses propres expériences, se projetant. Les moyens sont réduits mais l’image très belle, c’est très « photographique ». Photographie d’un instant T et photographie de deux garçons différents qui ont envie de fusionner à nouveau. Dans l’intimité d’une chambre, par la force de regards doux qui sentent bon l’amour, une grande émotion (ainsi qu’une petite mélancolie) émerge de l’ensemble. On en ressort à la fois avec les yeux mouillés et le sourire, c’est craquant, pas parfait mais plein de cœur et de générosité. Un petit film ultra attachant, dont la petite musique vous poursuit.
A l’heure de l’écriture de ces lignes, Le deuxième commencement, qui avait été projeté au Festival Chéries Chéris, n’a pas encore trouvé d’éditeur DVD… On croise les doigts.