Le printemps est arrivé tranquillement à Strasbourg, tout est plein de vie. Dans mon petit appartement du centre-ville, les pots de fleurs verdissent. Les jonquilles que ma sœur m’a offertes pour mon anniversaire ont fleuri. Je bois du thé, je travaille à mes traductions et j’écoute des CD de Léonard Lasry, Stan Getz et Shirley Horn en réfléchissant à la manière de structurer mes tâches des semaines à venir. Je suis en manque de vacances et m’énerve de voir que le principe capitaliste de la récompense fonctionne si bien pour moi : Je me dédommage en faisant des achats. Au marché de Pâques, j’ai acheté une nouvelle lampe de table, qui n’était en fait pas dans mon budget. Au Passage du Désir, il y avait des bougies qui se transforment en huile de massage. Je trouve toujours un livre, un DVD ou un CD qui éteint ma raison et déclenche l’impulsion d’achat.
Cet été, je vais enfin tourner un film après une longue pause. Le week-end dernier, j’ai visité le lieu de tournage, Warburg, près de Kassel. Mon coproducteur et acteur principal, Sten Jacobs, et moi avons mené les premières discussions sur l’organisation. Le lendemain de mon retour, j’ai reçu une visite de Berlin. J’ai joué les guides, nous avons pris un joli petit déjeuner et nous faisons une longue promenade dans l’Orangerie et la vieille ville.
Dans ma vie privée, je me sens misérable. L’état que j’ai décrit en janvier ne s’est pas amélioré. Parfois, j’ai peur d’avoir créé un traumatisme. Les aventures (ou bêtises) de mon partenaire ont éteint la lumière dans mes yeux et détruit mon sourire. Il y a des heures où je ne peux que trembler et respirer à peine. Je pense à la mort, dont j’ai peur, mais continuer à vivre dans cet état me fait également peur. La semaine dernière, j’ai vu l’homme qui avait le droit d’avoir tout ce que mon partenaire m’avait refusé, sur le parking d’un supermarché à Offenburg. Depuis, cette vision me tourmente chaque fois que je dors. J’ai peur de dormir, mes yeux me brûlent. Je vois des images que je ne veux pas voir, je pense à des noms, des histoires et des lieux dont j’aurais préféré ne jamais entendre parler. Les incohérences, les mensonges et les comparaisons des derniers mois tournent comme des toupies dans mon cerveau. Parfois, j’ai l’impression de devenir lentement fou. Je me suis perdu dans la vie. Jamais je n’aurais pensé qu’une telle chose pourrait m’arriver un jour. Il n’y a pas d’aide. Je ne peux rien faire. Juste continuer à travailler, travailler, travailler et espérer que les cicatrices se referment. Les mécanismes de ma vie sont restés et resteront toujours les mêmes. Je ne peux pas vivre, je ne peux que travailler.
Je vous souhaite à tous de bonnes fêtes de Pâques. Profitez du printemps. J’espère pouvoir bientôt écrire des choses plus positives. Bien cordialement,
André Schneider